La cour de L’auberge de L’Œuf dur

Hier, fresques et frasques

En bordure d’une voie médiévale, voire romaine, se dresse un corps de ferme au lieu-dit Brise-Bêche, situé dans une cour commune en U caractéristique de l’architecture briarde. Un certain Julien Callé, à partir de 1912, va y installer une auberge. Il est animateur au Lapin Agile, célèbre cabaret de la Butte Montmartre. C’est Frédéric Gérard, patron du Cabaret parisien et résidencier secondaire au hameau des Armenats à Saint-Cyr-sur-Morin, qui lui a fait connaître l’endroit. Il modifie l’aspect extérieur du bâtiment pour créer une réplique campagnarde du Lapin Agile. Les murs sont teints en rouge, les portes et fenêtres peintes en vert.
L’enseigne apposée sur la façade – une nymphe vaporeuse brandissant un œuf – s’est substituée au lapin montmartrois bondissant de la casserole. De larges ouvertures sont percées, semblables à celles des ateliers d’artistes. L’ensemble a un cachet. Montmartre-sur-Morin est né.
Callé donne alors libre cours à sa fantaisie ébouriffante. Il attribue à l’auberge un passé glorieux, chargé d’histoire : lieu de rendez-vous galant d’Henri IV et Gabrielle d’Estrée ; cour du marché aux andouilles de l’abbaye de Jouarre ; emplacement de la première guillotine de province ; chambre de Napoléon Ier à l’issue de la bataille de Montmirail…


En matière de publicité, il n’a pas son pareil : prospectus et affichettes se multiplient agrémentés d’un sens de l’humour extravagant.

 

Société des grands hôtels borgnes
Consommation de premier choix :
Liqueurs de marque
Alcools de pays lointains – stupéfiants [...]
Distractions : concours de rosières,
Tournois de sex-appeal…
Discrétion absolue sur adultères...


En matière de décoration intérieure, l’imagination est aussi fertile. À l’entrée, l’armure de chevalier du bal des 4 Zarts, constituée d’ustensiles de cuisine, vous accueille. Une série de chapeaux hauts-de-forme est accrochée à des bondes en guise de patères, signifiant que la clientèle est du dernier chic. Sur les murs du bistrot et des chambres, les peintres s’en donnent à cœur joie pour créer des fresques originales.
La clientèle est composée du noyau d’amis de la première heure, auquel s’adjoignent artistes, industriels et politiciens.
Ils se retrouvent régulièrement une bonne trentaine autour d’une grande table recouverte de toile cirée à petits carreaux rouges et blancs, partageant les repas simples préparés par Maud, émaillés de chansons et d’anecdotes…
À la fi n des années 1930, la situation économique se détériore, conséquence du krach boursier et de l’affaire Stavisky. Cette récession touche plus particulièrement la clientèle de L’Œuf dur et aurait entraîné sa fermeture définitive, que l’on situe approximativement avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale.

Parfois, les esprits s’échauffent et la tribu de Callé crée des farces désopilantes dont on parle encore dans les chaumières briardes : bains dans le Petit Morin dans le plus simple appareil ; attaque du petit train par les « callésiens » costumés en apaches hurleurs ; reconstitution historique du martyre de Jeanne d’Arc, où l’on voit une jeune femme nue sur un chariot, attachée à un poteau, des fagots aux pieds, transportée jusqu’à la place du village pour y être suppliciée…
Si bon nombre de Saint-Cyriens acceptent volontiers ces facéties d’un monde qui leur est étranger, d’autres s’en plaignent régulièrement auprès du maire, Eugène Daumont. Celui-ci transmet les doléances au père aubergiste « qui partage l’émoi des habitants ». Puis, désolé « de ne pouvoir contrôler sa clientèle » Callé remet au maire une enveloppe de la part d’un généreux farceur afin de financer une noble cause communale.

L’Œuf dur
« … L’auberge de l’Œuf dur et du Commerce, c’est le nom de la maison, est posée sur la prairie au bord du Morin comme un petit hameau de quatre ou cinq maisons roses et vertes. On y joue aux boules. On doit y fonder une société de tir à l’arc. Les chambres sont décorées avec esprit par Dignimont, Hervé Baille, Leroy et Callé. Beaucoup, parmi les écrivains et les peintres de notre génération sont venus boire une bouteille à la grande table qui en été, est dressée au milieu de la cour intérieure, à l’ombre d’un chêne satisfaisant.
Il y eut Segonzac, Gus Bofa, Asselin, Dignimont, Galtier-Boissière Carco, Dorgelès, Avelot, Salmon, Cecil Howard et beaucoup d’autres. […] Je ne pense pas qu’il existe à soixante-dix kilomètres de Paris un tel lieu de rassemblement… »
Pierre Mac Orlan.

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