En bordure d’une voie médiévale, voire romaine, se dresse un corps de ferme au lieu-dit Brise-Bêche, situé dans une cour commune en U caractéristique de l’architecture briarde. Un certain Julien Callé, à partir de 1912, va y installer une auberge. Il est animateur au Lapin Agile, célèbre cabaret de la Butte Montmartre. C’est Frédéric Gérard, patron du Cabaret parisien et résidencier secondaire au hameau des Armenats à Saint-Cyr-sur-Morin, qui lui a fait connaître l’endroit. Il modifie l’aspect extérieur du bâtiment pour créer une réplique campagnarde du Lapin Agile. Les murs sont teints en rouge, les portes et fenêtres peintes en vert.
L’enseigne apposée sur la façade – une nymphe vaporeuse brandissant un œuf – s’est substituée au lapin montmartrois bondissant de la casserole. De larges ouvertures sont percées, semblables à celles des ateliers d’artistes. L’ensemble a un cachet. Montmartre-sur-Morin est né.
Callé donne alors libre cours à sa fantaisie ébouriffante. Il attribue à l’auberge un passé glorieux, chargé d’histoire : lieu de rendez-vous galant d’Henri IV et Gabrielle d’Estrée ; cour du marché aux andouilles de l’abbaye de Jouarre ; emplacement de la première guillotine de province ; chambre de Napoléon Ier à l’issue de la bataille de Montmirail…
C’est en 1926 que les parents de Pierre et Roger Guibert (6 et 15 ans) achètent l’Hôtel Moderne à la veuve de Georges Simon dont le fils Daniel (qui avait alors 18 ans) est aussi bien connu des Saint-Cyriens.
Il n’y a alors à La Moderne ni électricité (c’est l’époque des lampes à acétylène et à pétrole) ni eau courante. La clientèle est avant tout locale et le bar fait office de café, tandis que le restaurant accueille les mariages, banquets, baptêmes et repas d’enterrements. Une grande salle sert aux répétitions de l’harmonie municipale, aux bals ou aux séances de cinéma. On y mange de la tête de veau, du bœuf gros sel ou encore du pot-au-feu et l’hiver le repas est précédé d’un vin chaud aromatisé de cannelle !
En 1940, tandis que les parents sont sur les routes de l’exode, Pierre est affecté dans l’infanterie. Démobilisé en août et appelé dans les chantiers de jeunesse il revient à Saint-Cyr en février 1941. Réquisitionné en 1942 pour le STO, il s’en échappera, mais ne reviendra à Saint-Cyr qu’après la libération. Son frère Roger, plus âgé a été mobilisé dès 1939. Fait prisonnier en 1940 et envoyé en Prusse orientale, il ne reviendra que le 24 juillet 1945. Son père décédera au lendemain de son retour.